L’interview du Dr Chérif DELIH, DG de l’ANPP publié sur les colonnes du journal HORIZONS du 30/10/2023:

Pour renforcer la production pharmaceutique, le rôle de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP) est fondamental. Cette institution, garante en partie de la santé publique, consolide ses capacités à travers la création de deux annexes régionales à Oran et Constantine. Son directeur général, le Dr Chérif Delih, évoque, dans cet entretien, les missions et les objectifs de l’Agence.

Trois ans après sa création, l’ANPP nourrit de  grands projets d’expansion. Qu’est-ce que cela représente pour le marché?

L’annexe régionale d’Oran dont l’inauguration est programmée pour le 1er novembre prochain emploiera 150 cadres et supervisera le marché dans 16 wilayas pour  renforcer les capacités et décentraliser les activités techniques. Il faut préciser que ces projets ont été gelés pendant 12 ans. Leur réalisation traduit  la volonté politique et l’engagement du ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun, à développer le marché pharmaceutique local, à même de projeter d’investir le marché africain.  Constantine, tout comme Oran, sont des pôles de l’industrie pharmaceutique  par excellence où se trouvent nos plus grands établissements pharmaceutiques.

Ces annexes offriront un service de proximité aux opérateurs, les accompagneront et  répondront à leurs demandes. On évitera les déplacements des opérateurs, réduira le temps de validation et de traitement et  toute perturbation d’approvisionnement et garantira la qualité des palliatifs mis sur le marché. Aussi, ces annexes ont une autre vocation hospitalo-universitaire. C’est des terrains d’apprentissage pour les étudiants en pharmacie, notamment. Elles vont ainsi absorber la demande en formation, booster les travaux de recherche, en paraphant des conventions avec des universités locales ou étrangères.

Justement quel rôle joue l’ANPP dans la production  nationale?

Nous accompagnons les producteurs dans l’enregistrement et la qualification des produits. Cela se fait via la validation du laboratoire de contrôle de qualité qui assure la qualité et la sécurité des produits pharmaceutiques mis sur le marché. L’ANPP valide, à travers ses experts, le produit, c’est-à-dire s’il est de qualité, s’il répond aux spécificités inscrites dans le dossier établi, et s’il offre un service médical réel ne présentant aucun danger.

La production de l’insuline, et, dans un futur proche de médicaments contre les cancers est considérée comme un pas immense. A combien s’élève le taux de pénétration sur le marché national ?

70% des produits sont fabriqués localement, dont la plupart des médicaments de ville. Ce qui est énorme. Il faut savoir que durant la pandémie de la Covid-19, qui a cristallisé les problèmes de pénuries de médicaments et produits de santé dus à la mondialisation, nous avons géré une situation inédite, grâce à la fabrication nationale et les stocks. Certes, il y a eu des perturbations dans l’approvisionnement sur un nombre restreint de médicaments, en raison d’une crise mondiale. Cependant, nous avons pu surmonter toutes ces difficultés.

Depuis l’autonomisation de l’ANPP, le nombre de produits issus des importations ayant fait l’objet de passage à la fabrication locale ont atteint 88. C’est une grande évolution. Il faut reconnaître que le secteur a enregistré un bond qualitatif et quantitatif. Le groupe Saidal, qui est un établissement sous tutelle, enregistre une dynamique dans le passage de la recherche scientifique au développement et à l’innovation technologique. Il y a, par ailleurs, des établissements qui vont bientôt lancer le processus de production de médicaments contre les cancers, de l’insuline, de l’héparine à bas poids moléculaire.

 Eclairez-nous sur le fait que seule votre institution a été créée par une loi et non par un décret ?

Contrairement aux autres établissements créés par décret, l’ANPP est la seule institution créée par une loi. La loi lui a confié toutes les missions dévolues auparavant au Laboratoire national du contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP) et celles de la direction de la pharmacie au ministère de la santé. Il s’agit de l’enregistrement des produits pharmaceutiques, de l’homologation des dispositifs médicaux, de l’expertise et du contrôle ainsi que l’inspection des établissements pharmaceutiques.  La loi est claire : aucun produit ne peut être mis sur le marché sans être enregistré, sauf dérogation exceptionnelle s’agissant des ATU. C’est un enregistrement obligatoire et leur mise sur le marché se traduit par la libération des lots par l’ANPP.

 Concernant justement la décision d’enregistrement, est-ce que cela est limité à une durée déterminée?

A cinq ans. Au-delà, il peut y avoir des changements d’indication ou de conception. Les choses évoluent, et certaines molécules ne sont, parfois, plus utilisées de par le monde. Au-delà de ce délai, les établissements pharmaceutiques doivent introduire un dossier de mise à jour, où les dernières données sont précisées. Et comme vous avez sûrement remarqué, des traitements remplacent d’autres, des laboratoires disparaissent ou sont fusionnés avec d’autres.

Par ailleurs, il peut y avoir une mise en quarantaine de produits, s’il s’avère, lors des contrôles réguliers, qu’il y a non-respect des engagements signés dans le dossier d’enregistrement. L’ANPP évalue le dossier pharmaceutique sur tous les plans : la qualité, l’aspect clinique pour les princeps, la bioéquivalence pour le générique. Il y a la vérification des intrants, qui rentre dans la fabrication du médicament et plus précisément le mode de fabrication, le processus.

L’enregistrement est une étape complexe, car c’est un produit médicamenteux qui doit prendre en charge une thérapie d’un malade. Plusieurs étapes sont décrites : la pré-soumission, la recevabilité, l’évaluation technique et administrative et le contrôle de qualité. En chiffres, l’ANPP a délivré en 2021, 398 décisions d’enregistrement (DE), en 2022, 664 DE et en 2023, 997 DE, arrêté au 30 septembre. En tout 2.059.

Comment peut-on percevoir le fait que des produits libérés soient mis en quarantaine par la suite ? Pouvez-vous nous informer sur le nombre des traitements retirés du marché?

En fait, pas beaucoup. Nous communiquons à grande échelle et vite dès qu’une telle mesure est prise. Le retrait de lots est une mesure bénéfique pour le citoyen et pour la crédibilité de l’établissement pharmaceutique. Ce n’est pas une sanction, plutôt une mesure préventive, prise suite à une alerte ou à l’issue de visites inopinées effectuées par les services concernés de l’ANPP. Une démarche indispensable pour vérifier la conformité des produits mis sur le marché. Si pendant le contrôle, nous constatons qu’il y a une déviation et une non-conformité ou non-respect des engagements faits lors du dépôt du dossier, nous procédons au retrait des lots.

La réglementation algérienne est claire. Le produit doit être identique à celui contrôlé à l’enregistrement. Une responsabilité envers les citoyens. Nous devons mettre entre les mains des prescripteurs des traitements médicamenteux fiables. C’est pour cela que des prélèvements sont effectués lors des contrôles, suite à quoi, des expertises sont établies. L’agrément stipule l’endroit de fabrication, les conditions, le respect des normes. Des médicaments produits sur des sites non autorisés ou un changement dans l’approvisionnement en principe actif, sont autant de motifs qui peuvent être à l’origine de la fermeture temporaire de l’établissement pharmaceutique.

Figurent également les produits saisis par les services des Douanes et de la DGSN. Font-ils également l’objet de contrôle de la part de  l’ANPP ?

Les produits saisis, comme ceux communément appelés de «cabas», relèvent du pénal. Ils ne sont pas enregistrés et ne sont pas importés par des établissements pharmaceutiques agréés, détenteurs d’un registre du commerce. Ils ne répondent à aucun programme d’importation et n’ont pas été autorisés en vue de leur mise sur le marché par l’ANPP.

 En période de pénurie, ces produits ont sauvé des vies humaines, selon des témoignages. Qu’en dites-vous ?

Nous sommes les garants de la sécurité de nos citoyens concernant tout ce qui est mis sur le marché. De ce fait, nous ne pouvons pas cautionner ces pratiques. Nous ne savons pas d’où proviennent-ils, ni s’ils ont respecté les conditions de conservation. Il ne faut pas oublier que ce sont des produits chimiques, qui peuvent avoir des effets secondaires

Le chef de l’Etat ne cesse de souligner que la numérisation est un impératif. Où en est le secteur ?

Nous nous sommes lancés dans la numérisation depuis longtemps. Les bordereaux de versement sont répertoriés numériquement depuis trois ans. En ce moment, nous préparons l’étape suivante, la pré-soumission.  Le projet en cours concernera la digitalisation des dossiers pharmaceutiques selon le format du Dossier technique commun (CTD)et les normes internationales. La dématérialisation est un enjeu national pour  réduire les délais de traitement des dossiers et gagner  de l’espace.

Entretien réalisé par Samira Azzegag

Partenariat algéro-allemand : Vers la mise en place d’un laboratoire de contrôle auprès de l’ANPP

Dans le cadre du développement de ses services, l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP) lance un projet de mise en place d’un laboratoire hautement sophistiqué. Comprenant cinq unités et né d’un partenariat algéro-allemand, le projet est piloté par le Programme des Nations unies pour le développement pour un montant global de 5 millions d’euros, pris en charge par le partenaire allemand. «Il sera conçu aux normes internationales avec toutes les unités de contrôle système Hvac», assure le directeur général de l’ANPP. Le projet entamé à la fin du mois en cours a un délai de réalisation de 7 mois.

S.A.

Anesthésie dentaire : Quatre laboratoires se lancent dans la fabrication

Quatre laboratoires pharmaceutiques, implantés à Alger et à Batna, ont eu le feu vert pour entamer le processus de fabrication d’anesthésies dentaires.  Selon le directeur général de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP),  Chérif Delih, la mesure pourrait conduire à la fin de la vulnérabilité d’approvisionnement de ce produit. L’autorisation de fabrication a été accordée à deux établissements et les dossiers des deux autres sont en cours de traitement.

S. A.